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Entretien avec Loïc Patenere, responsable du numéripôle de Bras-sur-Meuse

Fort de ses 759 habitants, Bras-sur-Meuse est un village résolument tourné vers  le numérique, comme en témoigne sa devise « Village connecté à l’avenir ». Une démarche récompensée par les @@@@@ obtenus lors de la dernière cérémonie de remise du label Villes, villages et territoires Internet en janvier 2019. Le numéripôle est au coeur de cette démarche.

Villes Internet : Quel est l’historique de votre structure ?

Loïc Patenere : Au tout début c’est la mairie de Bras-sur-Meuse qui l’a mis en place. Puis très vite on s’est rendu compte que c’était compliqué, notamment en termes de fonctionnement. Au bout d’un an, nous avons décidé de transformer la structure en association. La mairie nous a laissé le matériel et nous met à disposition les locaux, mais ne dirige pas l’association.

Nous avons gagné en souplesse et en réactivité.

VI : Quelles actions et bonnes pratiques recommandez-vous de mettre en place ?

LP : L’espace public numérique, qui est un espace de formation, a été créé en 2010. C’est le maire qui a eu cette volonté pour lutter contre la fracture numérique, notamment dans les zones rurales. L’objectif était de donner accès à des ordinateurs et de former à leur utilisation. Au fil du temps, le matériel a évolué, mais l’objectif reste le même : former les personnes à l’utilisation du numérique. Nous proposons trois formations par semaine, chacune d’entre elles a un thème précis et les gens s’inscrivent à celles qui les intéressent. Ils font leur emploi du temps à la carte selon le planning de formation.

Dès le début cette activité a très bien marché, nous avions de plus en plus de monde. Puis, nous avons été sollicités par d’autres communes et collectivités. Je suis moi-même formateur et je me déplace beaucoup pour former sur d’autres territoires, dans des centres sociaux, des EPN… Ces formations sont très variées et répondent aux besoins des habitants. Elles peuvent porter sur l’utilisation des téléphones portables, des ordinateurs ou du perfectionnement. Nous faisons même des formations pour les entreprises, les associations…

Depuis l’existence de l’EPN, 700 personnes ont suivi une formation à Bras-sur-Meuse, sur les 759 habitants que compte le village. La population maîtrise désormais majoritairement l’outil numérique.

VI : Quels autres services avez-vous mis en place ?

LP : En 2017, nous avons ouvert un studio multimédia. La création de cette structure est venue d’une volonté de diversifier notre public. En effet, jusqu’à cette date, il était essentiellement constitué de seniors. Nous voulions attirer les jeunes. Nous avons donc créé un studio d’enregistrement. Nous formons les personnes intéressées à l’utilisation du matériel, elles sont ensuite autonomes pour la création du contenu. De très nombreuses émissions ont vu le jour dans ce studio, beaucoup de chaines YouTube, d’autres sujets sur le sport, la politique, la cuisine, etc.

Toujours pour attirer les jeunes, nous organisons des tournois de jeux vidéo. Nous profitons des pauses pour discuter avec eux et les former à l’usage du numérique. Ces activités rencontrent beaucoup de succès.

Nous avons également ouvert un Fablab, le seul du département de la Meuse. Nous voulions lutter contre l’obsolescence programmée en essayant de réparer les choses. Nous souhaitons également permettre la création, notamment avec la personnalisation d’objets grâce avec l’imprimante 3D.

Le Fablab était initialement animé par une personne en service civique, qui a ensuite été employée en contrat d’avenir, et qui depuis un an est embauchée en CDI. Ce Fablab est désormais l’un des seuls de France ouverts de façon continue. Notre public est varié. Des particuliers fréquentent le lieu, de même que des entreprises qui font du prototypage par exemple. C’est une suite logique de l’espace de formation.

Enfin, nous créons également des sites Internet pour des collectivités. Nous avons développé un site Internet « type », puis par un système d’abonnement, nous gérons les sites Internet d’une quarantaine de municipalités, ce qui génère un budget pérenne pour le Numéripôle.

VI : Avez-vous l’impression de répondre à un besoin ou de créer de nouvelles opportunités ?

LP : Les deux. Par exemple, les entreprises faisaient déjà du prototypage, mais le faisaient à l’étranger. Nous répondons alors à un besoin. En revanche, les particuliers n’avaient pas l’idée de réparer leurs objets, ils peuvent désormais le faire. L’imprimante 3D fonctionne en ce moment 24 h/24.  

Les passionnés fréquentant le Fablab se sont ensuite rassemblés et ont créé le « Repair café ». Il a lieu une fois par mois.  

VI : Quelle participation financière est-elle demandée aux usagers ?

LP : Nous avons deux grilles tarifaires. Pour les formations, les utilisateurs payent une adhésion pour l’année (30 €), puis payent pour chaque formation (8 €). Pour le Fablab, nous devions adapter le système au fait que certaines personnes ne venaient qu’une seule fois. Elles ne payent pas l’adhésion, elles payent le « temps machine » et la matière première.

VI : Les subventions sont-elles l’élément central de l’équilibre financier de la structure ?

LP : Elles ont en effet été déterminantes lors de la création du projet. Et cela notamment grâce à une forme de prise de risque en créant des services qui n’existaient pas ailleurs. Nous avons été précurseurs avec le Fablab et essayons en permanence d’innover, car c’est le meilleur moyen d’obtenir des financements. L’autre élément important est de parvenir à créer des postes, pérenniser l’encadrement humain est fondamental pour ces structures.

VI : Quels sont vos principales sources de financement ?

LP : Au début, il y a neuf ans, c’étaient le département (Meuse) et la région (Grand Est). Puis nous avons eu la chance que nos activités payantes fonctionnent, ce qui a généré de la trésorerie. La Fondation de France nous a également aidés, ainsi que la CAF de la Meuse. Nous venons enfin d’obtenir une subvention européenne qui va nous permettre de renouveler l’ensemble de notre parc informatique.

Notre budget annuel est environ de 100 000 €, les subventions en représentent 30 %. Nous sommes satisfaits de cette proportion, car ce budget ne nous rend pas totalement dépendants des budgets publics, le modèle économique fonctionne. Nous sommes désormais deux emplois à temps plein et un service civique.

VI : Malgré un nombre de services déjà conséquent, avez-vous de nouveaux projets ?

LP : Nous réfléchissons à la création d’un espace dédié à la réalité virtuelle. Cela pourrait être un espace de jeux, mais également un espace de formation.

Notre autre objectif, c’est de devenir plus mobiles, pour être plus proches des personnes qui ont besoin de nous et qui ne peuvent pas venir jusqu’à Bras-sur-Meuse. Nous souhaitons déplacer le matériel et faire des séances dans les communes alentour, notamment dans les centres sociaux. Mais nous rencontrons des difficultés pour acquérir le véhicule.

 Pour lancer une telle structure, il faut une volonté politique des élus. C’est ce qui s’est passé à Bras-sur-Meuse, c’est comme ça que ça a commencé. Puis nous avons obtenu les 5@ de Villes Internet, ce qui nous a ouvert d’autres portes. C’est en ça que la labellisation par Villes Internet nous aide énormément, c’est un sésame vers de nouvelles sources de financement.

 

 

Retrouvez l’ensemble des actions menées par la commune de Bras-sur-Meuse dans la carte postale publiée en mars 2019.

Vous êtes un élu ou agent d’une collectivité chargé du numérique et vous souhaitez en savoir plus sur la politique numérique de Bras-sur-Meuse ? L’Atlaas est là pour ça. Vous y trouverez les coordonnées des interlocuteurs et les fiches actions détaillées. 

 

Par Anna Mélin