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Entretiens croisés avec nos élues au numérique – 1er épisode

À l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, Villes Internet a choisi de donner la parole aux femmes de nos territoires, élues au numérique. 

Entretiens croisés avec (sur la photo, de gauche à droite) :

Emma Antropoli, adjointe au maire du Pré-Saint-Gervais (93) chargée de la jeunesse, de la transition numérique et de la politique de la ville

Sylvie Trapon, maire de Rully (71) et vice-présidente du Grand Chalon chargée du numérique

Anne Héry Le Pallec, maire de Chevreuse (78)

Françoise Thomere, adjointe au maire d’Amboise déléguée au rayonnement, grands évènements, relations internationales, mécénat, communication institutionnelle, plan numérique

 

Quel regard portez-vous sur les enjeux du numérique citoyen dans le contexte actuel ?

 

Emma Antropoli : Depuis plusieurs années, le numérique, par le biais des réseaux sociaux notamment, a été le porte-voix de nombreux combats politiques ou même de révolutions. Il permet à des personnes éloignées des cercles de décision de prendre part au débat public et de s’organiser. Mais le numérique a pu aussi permettre la diffusion de fake news et de contenus non modérés. Il y a donc un enjeu, faire du numérique citoyen un numérique démocratique. Le numérique doit être tourné vers le-a citoyen-ne, au service de l’usager et du pacte démocratique. En cela il se doit d’être accessible, riche de ressources et écologique.

 

Sylvie Trapon :  L’enjeu du numérique est devenu majeur dans les politiques publiques. L’ inclusion numérique concerne tous les publics ; jeunes en recherche d’emploi, télétravailleurs, démarches administratives quotidiennes, accompagnement de nos aînés vers une autonomie numérique… La crise économique et sanitaire actuelle nous a plongés dans une nouvelle aire dont le numérique sera une des solutions. Nos modes de consommation ont profondément changé et les entreprises commerciales et industrielles doivent également s’ adapter à tous ces changements de société. Les communes sont un échelon capital dans la transition numérique de notre société.

 

Anne Héry Le Pallec : Avec le numérique on a souvent parlé, écrit et publié sur son apport et ou son impact en « sociologie du changement » que ce soit dans notre vie de citoyen ou dans les entreprises et les organisations. Avec les évènements de cette pandémie, nous avons constaté que l’usage du numérique est vraiment un réel apport d’autonomie dans beaucoup de domaines liés au travail, aux apprentissages, à la culture, aux loisirs, aux liens sociaux, aux démarches… et il permet indéniablement l’ininterruption de notre quotidien. Le numérique contribue à l’émergence d’une « sociologie générale du changement » au niveau familial, personnel et professionnel. Nous devons veiller à la cohabitation inclusive entre les capacités du numérique et nous tous, acteurs de notre quotidien et de nos modes de vie. De plus, je considère que le numérique citoyen doit être un véritable débat sociétal au niveau comportemental dans nos besoins de consommation et donc aussi au niveau recyclage des déchets numériques et dans la maîtrise de l’obsolescence numérique. Les actions et les projets numériques se doivent d’être proche du terrain : outils participatifs pour les citoyens, faciliter l’inclusion, poursuivre le numérique dans les écoles et les lieux culturels, démocratiser l’usage d’Internet, implémenter du full numérique dans les services de la Ville sans perdre la proximité et les échanges avec les administrés et aussi garantir le respect de la vie privée.

À Chevreuse, nous relevons les défis du numérique, bravons les obstacles et allons de l’avant.

 

Françoise Thomere : La pandémie a mis sur le devant de la scène sociétale la fracture sociale et numérique. Le recours au numérique pour travailler, s’informer, s’éduquer, s’alimenter, s’équiper, se cultiver, se distraire … est devenu brusquement une priorité absolue. Parallèlement au grand projet d’installation de la fibre dans la ville d’Amboise, l’accélération de la mise en place du télétravail, du plan numérique dans les écoles, des projets de dématérialisation des démarches administratives, d’accompagnement des citoyens dans la transition numérique ou encore la multiplication des initiatives comme la carte interactive pour les commerçants est devenue soudainement une évidence. Mais cette crise sanitaire révèle aussi combien le numérique a été peu valorisé jusqu’à présent dans les collectivités et le replace aujourd’hui au cœur des stratégies.

 

  1. Quel est le projet numérique central de votre projet de mandature ?

 

Emma Antropoli : Je mets au cœur de ma feuille de route politique la continuité numérique du service public. Un numérique au service de la participation de tou-te-s et profondément humain. D’abord pour les agents publics, car ce sont eux le premier visage du service public. Il faut équiper, former et assurer la sécurité des systèmes. En ce sens, l’ensemble de nos agents en mission télétravaillables sont désormais équipés d’ordinateurs portables et l’ensemble des structures municipales sont équipées, y compris les écoles. Ensuite, pour la mise en œuvre des politiques publiques : permettre le déploiement de l’ensemble des services en ligne à moyens humains constants, enrichir le travail des agents sur des tâches moins chronophages, favoriser le développement durable par la réduction des formulaires papiers et proposer un service public adapté à l’ensemble des profils usagers. Pour ce faire, le développement des e-services sera accompagné d’une politique de médiation tous publics avec l’arrivée prochainement sur la ville d’une équipe de médiateur-rices-s pour les structures telles que le CCAS, le service jeunesse ou le foyer résidence seniors. Le pacte citoyen et démocratique sera également au cœur de notre action et le numérique sera un accélérateur pour faciliter le dialogue avec l’ensemble des acteurs de la société civile. Nous bâtirons un intranet associatif pour renforcer les ressources en ligne des associations gervaisiennes et favoriserons l’internet participatif (budget participatif, votation citoyenne, etc.). Enfin, le numérique ce sont les emplois de demain ! Alors que l’ensemble des emplois du numérique ne sont pas pourvus faute de formation, nous travaillons avec deux écoles du web pour insérer des publics en insertion et en particulier les femmes.

 

Sylvie Trapon : Le mandat de notre commune verra un projet phare avec la réalisation d’une médiathèque dans un bâtiment communal abritant à ce jour la bibliothèque qui sera rénovée et développée. Nous serons accompagnés par un médiateur numérique qui partagera son temps avec d’autres communes de notre agglomération. Des sessions d’accompagnement seront proposées à nos habitants avec ce médiateur numérique. L’enjeu social est évident pour nous.

 

Anne Héry Le Pallec : Depuis 7 ans nous avons un programme numérique très développé et soutenu, avec plusieurs projets : refonte du site Web, les classes numériques, l’application mobile de la ville, l’application mobile innovante d’alerte fourrière, les Wifi, la dématérialisation des procédures administratives, etc. Nos actions numériques ont été récompensées dès 2018 par 3@, maintenue en 2019 et 2020, puis une nouvelle étape en 2021 avec l’obtention de notre 4ème @. Mais s’il faut retenir un projet, je retiendrais la plate-forme Marketplace pour nos commerçants et services de Chevreuse qui a été développée en un temps record en un mois, pour répondre à cette crise sanitaire. Plate-forme, pensée par nous ; nous avons été les « architectes » de cette plate-forme et précurseurs sur notre territoire. Celle-ci est une véritable vitrine rassemblant sur un même portail les offres des commerçants de la Ville. Ils l’ont vraiment adoptée comme un outil complémentaire de vente.

 

Françoise Thomere : Après la construction d’un nouveau système d’information mutualisé, nous poursuivons la modernisation des infrastructures avec notre grand projet de mutualisation des réseaux télécom et téléphonie. Dès 2021, un grand coup d’accélérateur sera aussi porté sur le plan numérique dans les écoles afin de doter chacune de nos écoles du socle numérique recommandé par l’État. Et, pour accompagner nos habitants dans cette transition numérique, nous créons cette année une fonction de « conseiller numérique ». Durant ce mandat, la diffusion de l’information sera également une de nos grandes priorités avec la mise en place de panneaux d’information numériques ainsi que d’outils de communication et de concertation citoyenne via les smartphones. La Ville d’Amboise lancera les études pour construire le grand projet de Ville Intelligente. Enfin, notre stratégie numérique écologique restera au cœur de nos actions tout comme la protection des données publiques.

 

  1. Avez-vous le sentiment que le fait que vous soyez une femme soit un frein ou au contraire un point positif dans l’exercice de votre mandat ? Ou peut-être cela n’a-t-il pas d’incidence ?

 

Emma Antropoli : Être une femme élue n’est pas un frein, cela doit être un accélérateur du changement. Je vois mon mandat comme un devoir, celui d’être au service de l’avènement d’une société égalitaire dans l’ensemble des délégations qui me sont confiées. A l’échelle municipale, les enjeux sont cruciaux : c’est une culture de l’égalité à tous les niveaux que l’on doit transmettre et ce, dès la petite enfance. Je m’y emploie avec l’ensemble de l’équipe municipale du Pré Saint-Gervais qui partage ce combat.

 

Sylvie Trapon : Enfin, je ne vois pas d’incidences ni frein ni point positif à mon action es qualité de femme.

 

Anne Héry Le Pallec : Les femmes sont encore très sous-représentées en tant que maire, sauf erreur nous frôlons tout juste les 20%. Dans l’exercice de mes fonctions je peux ressentir parfois de la défiance par d’autres élues ou administrés – une situation que je connais bien, ma vie professionnelle s’étant construite dans des milieux plutôt masculins – mais celle-ci s’estompe par ma proximité du terrain et du sérieux que je me dois d’avoir dans la maîtrise des dossiers à traiter avec mes adjoints et les agents de Ville. Comme le dit le Président Larcher, « le maire est à portée d’engueulade ». Dans notre fonction de maire, il ne faut pas avoir peur de cela et au contraire s’en servir comme catalyseur pour apporter des solutions dans la mesure du possible et dans le respect de nos droits et devoirs. Pour y arriver, je crois davantage en la complémentarité qu’à la véritable égalité. Donc, pour moi être une femme maire n’est finalement pas une véritable question.

 

Françoise Thomere : Les femmes sont très peu représentées dans ce secteur très masculin et les grandes figures de ce milieu sont des hommes. Pour ma part, je considère que ce que certains pourraient percevoir comme un handicap est une force. Les femmes sont, en effet, sous-représentées dans le domaine scientifique et les nouvelles technologies aussi bien dans le secteur public que privé. Être une femme dans ce secteur représente donc, pour moi, une « extension de territoire », une opportunité d’apporter une vision féminine.

Par Anna Mélin