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Entretiens croisés avec nos élues au numérique – 2e épisode

À l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, Villes Internet a choisi de donner la parole aux femmes de nos territoires, élues au numérique. 

Entretiens croisés avec (de gauche à droite sur la photo) :

 

Anne Texier, 1ère adjointe aux maire de de Sèvres (92 – TEN) chargée des affaires scolaires, des commerces, et des services numériques

Elisabeth Gondy, adjointe au maire d’Anzin (59)

Amel Zenati, conseillère municipale de Grenoble (38) déléguée à la transition numérique et à la stratégie de la data. 

Efatt Toor, conseillère municipale déléguée au numérique à Villiers le bel (95)

 

  1. Quel regard portez-vous sur les enjeux du numérique citoyen dans le contexte actuel ?

 

Anne Texier : L’arrivée du numérique dans nos vies quotidiennes a constitué une véritable révolution. Le « numérique citoyen » s’inscrit dans la continuité des modifications des usages, avec de plus en plus de services au public accessibles via des applications ou des portails numériques. L’enjeu très important pour les collectivités est de s’assurer que le développement tout azimut de ces usages numériques n’accentue pas le fossé entre les citoyens très connectés, et ceux qui ne le sont pas ou peu.

 

Elisabeth Gondy : Nous connaissons actuellement une société en grande mutation, mutation qui touche tous les secteurs :  commerces, éducations, etc. Tous les modèles que nous avons connus vont évoluer. La crise nous propulse dans des questionnements sur notre avenir.Dans ce contexte, le numérique est un atout. Mais l’enjeu, c’est que les citoyens prennent ce virage. À Anzin, nous avons des poches à 30% de chômage. Ces citoyens-là aussi doivent être embarqués, ils ne peuvent pas rester au bord de la route. L’enjeu du numérique citoyen est d’arriver à ce que les gens s’emparent de cette nouvelle manière de voir les choses. 

 

Amel Zenati : C’est mon premier mandat, mais mon activité professionnelle dans la micro- électronique m’a permis d’aborder les enjeux numériques. Je suis consciente que l’électro­nique et le numérique vont exploser.

 

Efatt Toor : J’ai un regard plutôt mitigé, le numérique est à l’heure actuelle partout et évolue en fonction des besoins. Il nous accompagne au quotidien pour voir nos messages, contacter un proche au loin dans un autre pays, effectuer un achat en ligne ou bien suivre des cours à distances et j’en passe. L’aspect négatif que j’ai pu constater c’est que trop de jeunes sont dépendants de leur smartphone et l’utilisent pour l’usage des réseaux sociaux et cet usage excessif les détache de la réalité et les jeunes agissent de façon hypnotique.

 

  1. Quel est le projet numérique central de votre projet de mandature ?

 

Anne Texier : La sécurité informatique est un prérequis indispensable à tout développement numérique, le socle impératif à consolider et renforcer en permanence. C’est à partir de cette base saine que l’on peut construire des projets nouveaux. Sèvres est une ville qui a été précurseuse en matière de services numériques à la population. Il s’agit pour moi de poursuivre cette dynamique : évolution des équipements numériques aux besoins pédagogiques dans les écoles, adaptation des services au public en fonction de l’évolution des technologies et des attentes des usagers, tels le développement d’un portail urbanisme, d’un site participatif pour encourager l’intérêt des Sévriens aux projets de leur ville ou encore la mise en place d’un pôle numérique avancé à destination des jeunes. Les projets ne manquent pas !

 

Elisabeth Gondy : Dans ma ville, j’ai fait l’état des lieux pour savoir ce qu’on a, comment on s’en sort, quels sont les usages. Un constat : les enfants sont prêts, à condition de leur donner les moyens. Ce sont leurs parents qu’il faut parvenir à intégrer. Les enfants sont de bons ambassadeurs. C’est l’occasion de partages entre générations. Notre projet est que les enfants de la ville soient tous en capacité d’utiliser le numérique et, grâce à eux, toucher les parents. 

 

Amel Zenati : Notre défi : comment orienter l’explosion du numérique vers une pratique de plus en plus responsable ?

 

Efatt Toor : Notre projet est de mettre en place une usine du code informatique à Villiers le bel. Elle sera accessible à toutes personnes désireuses de se former au coding sans pré-requis, autrement dit apprendre les différents langages informatiques utilisés. 

Nous souhaitons également avoir une classe d’informatique dans chaque école primaire et collège de la ville afin de former à la nécessité et à l’objectif du numérique.

 

  1. Avez-vous le sentiment que le fait que vous soyez une femme soit un frein ou au contraire un point positif dans l’exercice de votre mandat ? Ou peut-être cela n’a-t-il pas d’incidence ?

 

Anne Texier : Je n’ai jamais vécu le fait d’être une femme comme étant un obstacle, que ce soit lors de mes études scientifiques ou dans les postes que j’ai occupés en entreprise, tout en étant consciente que cette situation était bien plus naturelle pour ma génération que la précédente. De la même manière, pour ce mandat municipal qui est mon deuxième, être une femme me semble absolument sans incidence sur les relations que j’ai avec les gens ou sur la façon dont j’exerce mes délégations. En revanche, je crois beaucoup à la complémentarité des regards pour servir l’intérêt général. Nous avons tous des biais de perception, liés à notre expérience, à notre quotidien… Une équipe municipale mixte et composée de personnalités aux compétences et aux préoccupations variées permet d’enrichir la vision que nous avons de notre ville pour prendre les décisions les plus ajustées possibles.  

 

Elisabeth Gondy : Je n’est pas ressenti de blocage dû au fait que je sois une femme. Lorsqu’on m’a proposé ce sujet, aucun homme ne s’est manifesté. Pour moi, cette délégation est naturelle. Autant sur d’autres sujets, il y a des répartition genrée des délégations (petite enfance, éducation, etc.), il ne me semble pas que ce soit le cas pour le numérique.

 

Amel Zenati : Je ne me suis pas posé la question. j’avais le choix entre l’international et le numérique. Je suis naturalisée, femme et ingénieure. Je peux être discriminée pour plusieurs raisons : mes origines, le fait que je suis une femme, que je sois dans un métier technique et je que je fasse de la politique. J’ai quitté mon pays d’origine, choisi une filière d’hommes et je me suis engagée en politique, ce n’est pas anodin. Dans toutes ces étapes, j’étais consciente que les portes n’étaient pas faciles à ouvrir. À chaque porte ouverte, une étape de franchie. Si les femmes investissent ces domaines-là, les hommes vont devoir accepter de nous intégrer. Avant, les femmes étaient élues aux questions sociales ou aux écoles. Aujourd’hui elles doivent prendre leur place dans les domaines techniques.

Les mouvements féministes actuels brisent les omertas, j’ai bon espoir que les jeunes générations évoluent. 

 

Efatt Toor : Avec la mixité dans le domaine du numérique, avoir un poste dédié aux hommes en tant que femme est déjà un changement. Pour ma part, il est vrai qu’au début de mon mandat avoir toutes les informations passant par l’administration n’était pas simple, mais me connaissant je suis une combattante et je n’abandonne pas tant que je ne mène pas au bout tout ce que j’ai commencé.

 

Par Anna Mélin