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8 mars, journée internationale des droits des femmes aussi dans le monde numérique

Dans son rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le projet de loi pour une république numérique, Catherine Coutelle alors députée posait les enjeux du débat sur la place de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le numérique. Comment faire en sorte que les femmes tirent pleinement parti de cette révolution et puissent accéder à des emplois de qualité, alors qu’aujourd’hui on compterait un peu moins de 28 % de femmes dans les métiers du numérique au sens large ? Quel rôle le système éducatif peut-il jouer à cet égard ? Par ailleurs, quelle est la place des femmes dans le cyberespace et comment prévenir et lutter contre les cyberviolences sexistes et sexuelles ? À ces interrogations légitimes, Villes Internet ajoute la réflexion sur le rôle et à la place des élu.e.s et des agent.e.s des collectivités locales sur ce sujet.

L’éducation, outil de lutte pour l’égalité

 Comme le rappelle le rapport de Catherine Coutelle, jusqu’au XVIIIe siècle, beaucoup d’hommes pensaient que l’ensemble des savoirs savants n’était pas destiné aux femmes. De même, au XIXe siècle, les sciences étaient en pratique interdites aux filles, sous prétexte qu’elles risquaient de « dessécher » les esprits féminins qui devaient rester disponibles à leur rôle de maîtresses de maison. Depuis, la tendance s’est inversée et les femmes accèdent de plus en plus à ces domaines de compétence. Néanmoins, la proportion de femmes dans les sciences et technologies reste minoritaire en France. Malgré les bons résultats des filles qui représentent 45 % des élèves de terminale S, elles ne représentent plus que 34 % des étudiant.e.s dans les études scientifiques, pour n’être plus que 21 % des ingénieur.e.s finalement. Parmi ces dernières, il faut noter que celles qui choisissent le numérique ou l’électronique comme spécialité sont très minoritaires, préférant à ces sujets l’agronomie ou la chimie. Plusieurs explications à ces choix sont apportées par les chercheur.e.s. Certain.e.s formulent l’hypothèse que les orientations différenciées sont liées aux représentations que les jeunes se font des métiers. D’autres l’expliquent par le manque de confiance en elles dont disposent les filles. Ces biais d’orientation peuvent être rectifiés par une véritable éducation à l’égalité d’abord, par une éducation au numérique ensuite. Le rapport de Mme Coutelle conclut que le numérique est non seulement une discipline en soi, mais aussi une pédagogie. Et c’est par ces deux entrées que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes doit être abordée.

Les droits des femmes sur la toile

Certains sites Internet, sous couvert d’une neutralité apparente et d’un aspect faussement institutionnel, cherchent à dissuader les jeunes filles et les femmes d’avorter en leur donnant des informations délibérément négatives sur les conséquences d’une IVG (stérilité, fausses couches à répétition…). Voilà un exemple de l’utilisation du numérique visant à réduire le droit des femmes à disposer de leur corps. Dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (PLEC) en 2017, le Gouvernement avait déposé un amendement proposant l’extension du délit d’entrave à l’IVG — prévu par l’article L. 2223-2 du code de la santé publique — à ces sites Internet.

Cet amendement a malheureusement été jugé irrecevable pour des questions techniques. Le groupe Socialiste, écologiste et républicain de l’Assemblée nationale avait donc déposé une proposition de loi le reprenant. Elle a été adoptée en lecture définitive le 16 février 2017.

Au-delà de ces sites Internet, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, a rappelé dans son rapport En finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne : une urgence pour les victimes publié en 2017 que les espaces numériques et les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) peuvent constituer autant de moyens d’expression et de mobilisation collective, le cyberespace n’est pas toujours un espace de sécurité pour les femmes. Les violences dont elles sont victimes y sont massives. Selon un récent rapport d’ONU Femmes, 73 % de femmes ont déclaré avoir été victimes de violences en ligne, et 18 % d’entre elles ont été confrontées à une forme grave de violence sur Internet[1]. Pour en finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne, le HCE formule 28 recommandations articulées autour de cinq axes. Il préconise ainsi de prendre avant tout conscience de l’ampleur et de l’impunité des violences faites aux femmes en ligne et de la nécessité de faire évoluer le droit ; de faire connaître et renforcer les moyens de la lutte contre le cyber contrôle au sein du couple. Pour en finir avec l’impunité du harcèlement sexiste et sexuel en ligne, le HCE recommande que soient renforcées les procédures de signalement et les règles de modération. Il s’agit enfin de lutter contre la pédocriminalité et de soigner les victimes des violences en ligne qui ne sont pas toujours prises au sérieux.

Le rôle des élues et agentes locales pour inverser la tendance

En janvier 2019, Anne le Hénanff, adjointe au maire de Vannes et vice-présidente de Villes Internet et Muriel Raimbault, directrice des systèmes d’information, revenaient au micro de la série audio Ici, Demain, sur les enjeux de la protection et du partage des données. 

Ces deux femmes occupent des fonctions centrales sur les enjeux numériques de leur collectivité et cela leur permet d’agir. Mais force est de constater que si la loi sur la parité permet qu’elles représentent 40,7% des élus locaux, elles ne sont plus que 13,9% à être maires et 7,7% à être présidentes de conseils régionaux et territoriaux. Et comme le rappelle l’association Élues Locales – réseau transpartisan de femmes élues -, avec 23% de têtes de listes au prochain scrutin municipal, cela risque de ne progresser que très lentement. Pourtant, l’association a multiplié les rencontres départementales pour convaincre les femmes de s’engager aux municipales et d’envisager d’être tête de liste. Le chemin de l’égalité est donc encore long. 

Comme l’a souligné le Conseil national du Numérique[2], plus que jamais les technophobes et les technolâtres doivent être renvoyés dos à dos et il s’agit de concevoir le numérique comme ce qu’il est : un facteur de bouleversements importants auxquels il faut donner un sens, une direction et des valeurs. La société numérique n’est pas une force qui va, mais procède au contraire d’un ensemble de choix individuels, mais aussi et surtout collectifs. 

Le choix des responsables politiques devient dès lors l’enjeu central du débat. En matière d’égalité femmes-hommes, l’enjeu est déterminant.

 

[1]https://www.unwomen.org/en/news/stories/2015/9/cyber-violence-report-press-release

 

[2] Ambition numérique. Pour une politique française et européenne de la transition numérique, rapport du Conseil national numérique (CNNum), rapport remis au Premier ministre en juin 2015.

 

 

Par Anna Mélin