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Élection présidentielle, la place du numérique dans les programmes – 1/2

Le numérique dans toutes ses dimensions est un enjeu sociétal. Ce sujet peine pourtant à émerger dans la campagne de l’élection présidentielle et est présent de manière très inégale dans les programmes officiels. 

 Villes Internet interpelle les candidats

Les douze candidats qui ont recueilli les cinq cents parrainages nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle sont désormais connus. 1

La motion du Congrès national des Elu·es au numérique adressée personnellement au Président de la République et à chacun des candidat·es à l’élection présidentielle le 8 octobre 2022. 123 élu·es contributeurs et contributrices ont produit 727 nouvelles suggestions pour rédiger collectivement leur motion du 3e Congrès national des élu·es au numérique . Début mars, l’association Villes Internet a de nouveau adressé cette motion aux candidat·es afin qu’ils et elles se positionnent et s’engagent une fois élu·e, à faire du numérique citoyen un objectif transversal de leur politique.

Observons directement la place du numérique dans les programmes

Nous avons examiné en détail les programmes officiels des candidats et, quand il y en avait, les notes spécifiques liées au numérique. Surprise, pour certains candidats, le thème même est parfois absent ou à peine traité. C’est le choix de Nathalie Arthaud et Philippe Poutou.  

Nous observons une évolution par rapport aux propositions des candidat·es en 2017. En effet, plusieurs candidat·es tels que Nicolas Dupont-Aignan, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon, consacrent une partie non négligeable de leurs propositions au numérique. Marine Le Pen, quant à elle, a déjà répondu point par point aux éléments de notre courrier alors qu’elle n’évoquait pas ce sujet dans son programme en 2017.

Les données numériques, le sujet sur lequel s’engage la majorité des candidat·es

Emmanuel Macron propose de créer une banque de données numériques. 

Marine Le Pen, dans son courrier adressé à Villes Internet, affirme que « Nos données nous appartiennent. Elles doivent impérativement être traitées en Europe et selon le droit européen, l’État s’en assurant par des contrôles. Lors de la création ou de l’implantation d’organismes de traitement des données, les acteurs nationaux et européens doivent être favorisés, alors que les géants étrangers doivent être progressivement écartés via des normes et une fiscalité dissuasives. » La candidate du Rassemblement National est favorable à rendre les collectivités locales autonomes dans le traitement de leurs données et de faciliter l’accès à ces données lorsqu’elles sont publiques ou relèvent des obligations de publications ou de transparence.

Éric Zemmour souhaite imposer par la loi que les données sensibles des Français ainsi que les données stratégiques de l’État et du secteur privé soient hébergées et sécurisées en France sur des solutions souveraines. 

Jean-Luc Mélenchon propose de garantir l’hébergement des données des services publics français et des entreprises essentielles sur des serveurs de droit français situés en France. Il ambitionne d’aller plus loin que le règlement européen de protection des données (RGPD) pour agir contre les discriminations entraînées par le traitement algorithmique des données personnelles, en dotant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de moyens de contrôle efficaces, constitutionnaliser le droit au chiffrement des données et des communications et systématiser la publication en données ouvertes des informations publiques détenues par les collectivités.

Anne Hidalgo considère que le marché du cloud dans notre pays est actuellement dominé par des acteurs non seulement étrangers mais extra-européens. « En conséquence, l’exploitation des données, précieuses ressources économiques, échappe à nos marchés. Nous souhaitons donc développer un cloud français, main dans la main avec nos collectivités territoriales par la fondation d’un SRADDET du numérique. Il imposera le stockage des données les plus sensibles au sein de Data center français tout en exigeant une plus grande transparence aux logiciels sur les lieux d’hébergement de leurs données. Il aura aussi pour but de garantir une concurrence juste et équitable sur le marché du cloud, aujourd’hui massivement dominé par les multinationales américaines. »

Yannick Jadot affirme qu’il instaurera un budget carbone pour le numérique. « La réglementation prendra en compte les impacts du stockage de données informatiques sur le climat, l’environnement et l’accès aux ressources naturelles et énergétiques. Elle rendra obligatoire sur les terminaux numériques (téléphones, ordinateurs…) l’information l’empreinte environnementale basée sur l’analyse du cycle de vie.» Le candidat écologiste ajoute qu’il renforcera l’usage démocratique et sobre de l’outil numérique à l’école en généralisant l’usage de l’open data (données ouvertes) et des logiciels libres et publics pour garantir la transparence et la sécurité des données.

Valérie Pécresse, candidate Les Républicains, souhaite instaurer un droit à l’effacement des données personnelles à partir de 16 ans.

Nicolas Dupont-Aignan s’engage à reprendre le contrôle sur les multinationales numériques en exigeant l’hébergement des données issues d’usagers français en France par des acteurs indépendants ou étatiques avec un vrai droit à l’oubli et une possibilité faible de traçage pour l’usager ou d’exploitation marketing sans consentement. Le candidat de Debout la France souhaite créer des mégacentres de calculs et d’hébergement de données, écoresponsables et même producteurs d’énergie pour le chauffage collectif ou individuel. En matière économique, il préconise d’instaurer une taxe numérique forfaitaire, pour l’exploitation commerciale des données personnelles des internautes résidant en France et amener les GAFAM à payer leurs impôts en France.

L’éducation au numérique

Fabien Roussel soutient que s’il est élu, une éducation au numérique sera proposée, « afin d’éviter les dangers des réseaux sociaux, tout au long de la vie. Les plateformes numériques seront contraintes de coopérer avec la justice et de supprimer les contenus violents, haineux et discriminatoires. »

Pour préparer nos enfants au monde dans lequel ils vivront, Anne Hidalgo affirme que l’école doit être au rendez-vous par de nouvelles pédagogies : apprendre par la pratique, apprendre à apprendre, apprendre à coopérer, apprendre dans son environnement, dans la nature, dans sa commune, apprendre les nouveaux langages du numérique, apprendre à s’informer, etc.

Jean Lassalle veut créer une nouvelle discipline (un CAPES spécifique) pour maîtriser les outils numériques « et non plus les subir ».

Yannick Jadot souhaite renforcer l’usage démocratique et sobre de l’outil numérique à l’école : « nous généraliserons l’usage de l’open data (données ouvertes) et des logiciels libres et publics pour garantir la transparence et la sécurité des données et donnerons aux enseignants les moyens de former les élèves à un usage raisonné de l’outil numérique. »

Valérie Pécresse annonce qu’elle lancera un grand plan numérique pour former 1 million de talents numériques d’ici 2030, avec codage dès le collège, repérage dès la seconde, multiplication des formations et création d’une Ecole Nationale du Numérique. Elle précise qu’elle créera 1 million de « Talents numériques » d’ici 2030 en repérant les talents dès la seconde et en créant une Ecole Nationale du Numérique dont les étudiants rémunérés devront travailler 10 ans dans la fonction publique.

Nicolas Dupont-Aignan souhaite assurer une formation et un accompagnement continu au numérique, adaptés et efficaces pour tous, avec prise en compte de l’illectronisme, une sanctuarisation « sans digital » à l’école élémentaire, mais « excellence numérique» dès le collège. Il ajoute qu’il faut intensifier les formations aux métiers du numérique au sein de Pôle emploi et dans la formation professionnelle continue, en proposant une formation à l’informatique et à l’entrepreneuriat aux demandeurs d’emploi et employés — indépendants désireux de créer leur entreprise dans le numérique ou de se reconvertir.

La transformation numérique des services essentiels

Seul·es trois candidat·es abordent ce sujet pourtant central pour les élu·es locaux et les citoyen·nes.

Plutôt que de se cantonner à un rôle de distribution de subventions aux start-up du numérique (qui, en outre, ne permet pas un contrôle effectif de cet usage de capital), si Anne Hidalgo devient présidente de la République, l’État assurera directement des commandes publiques aux start-up. « En plus de garantir l’achat des meilleurs matériaux sur le marché, cette mesure permettra d’obtenir des outils efficaces pour nos services publics, dont la transition numérique est un sujet de première importance. Aussi, la place dédiée aux start-up d’État sera revue dans la future administration. Ce programme permet le développement d’outils efficaces à destination de nos services publics, notamment par une plus grande dématérialisation et numérisation des démarches administratives et services publics. Toutefois, si leur rôle primordial est largement reconnu par les usagers, ces start-up d’État sont actuellement sous-dotées financièrement par le Secrétariat d’État au numérique. » La candidate socialiste propose donc d’augmenter leur budget annuel. La candidate socialiste ajoute que « Le numérique a bouleversé et continue de bouleverser en profondeur notre économie, nationale et européenne. Si nous sommes favorables à l’accompagnement de ce vaste mouvement, celui-ci ne doit pas oublier en chemin nos concitoyens les moins familiers avec les nouvelles technologies. En conséquence, nous prévoyons de doubler le nombre d’aidants numériques présents dans notre pays, passant de 4000 personnes à 8000. En outre, nous ne permettrons pas à un individu d’être situé à plus de 20 minutes en voiture d’un établissement France Services. »

Jean-Luc Mélenchon souhaite garantir le maintien de guichets et de formulaires papier malgré la dématérialisation des services publics et la transformation numérique des administrations, déployer un service public de proximité pour accompagner les 20 % de Français en difficulté avec le numérique (illectronisme).

Yannick Jadot rappelle que “comme l’eau ou l’électricité, l’accès à une connexion de qualité est aujourd’hui une nécessité, dans la cadre de la vie citoyenne (dématérialisation croissante de l’ensemble des services) comme professionnelle (recours élargi au télétravail et ce à tous les âges de la vie, enseignement en distanciel). Il ajoute que ‘on a vu pendant le confinement que de nombreuses familles n’ont pas de matériel nécessaire pour le suivi scolaire. Au travers de dotations à tarifs très sociaux, nous favoriserons l’équipement numérique pour tous, nous appuyant sur des filières de reconditionnement locales.”

 

  1. Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Philippe Poutou, Fabien Roussel et Eric Zemmour.

 

Le volet 2 de ce dossier examine les propositions sur la couverture numérique des territoires, la régulation des réseaux sociaux numériques et la souveraineté numérique.

 

Article mis à jour le 23 mars 2022 à la suite de la réception du Manifeste du numérique de Anne Hidalgo. 

 

Sources : les programmes officiels des candidats et candidates à l’élection présidentielle

📌 Nathalie Artaud

🌐 programme

📌 Fabien Roussel 

🌐 programme officiel 

📌 Emmanuel Macron

🌐 programme officiel

📌Jean Lassalle 

🌐 site officiel

📌 Marine Le Pen

🌐 Source : Réponse officielle du Rassemblement National à l’interpellation de Villes Internet de tou·tes les candidat·es à l’élection présidentielle

📌 Éric Zemmour

🌐 programme officiel volet numérique

📌 Jean-Luc Mélenchon

🌐 programme officiel

📌 Anne Hidalgo

🌐 programme officiel 

📌 Yannick Jadot

🌐 version complète du programme officiel

📌 Valérie Pécresse

🌐 projet sur le site officiel de la candidate

📌 Philippe Poutou

🌐 site officiel du candidat

📌 Nicolas Dupont-Aignan

🌐 programme officiel

 

L’association Villes Internet s’est donnée pour objet de coordonner le développement et l’animation d’un réseau des acteurs et actrices locaux de l’Internet Citoyen. Les valeurs de « citoyenneté active » et de « démocratie participative » fondent son action. Elle remet chaque année, avec l’État, le Label National Territoire, Ville ou Village Internet. Seul organisme de veille dynamique sur les services publics numériques locaux, elle valorise les usages d’intérêt général, des outils numériques en réseau. Depuis 1998, l’association a acquis un rôle de carrefour et de centre de ressources du numérique urbain et de la « ville intelligente ».

 

Par Anna Mélin