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Entretien avec Tristan Nitot

Publié le 25 février 2021 Innovation

Tristan Nitot est l’ancien président de Mozilla Europe, ancien directeur général de Qwant, partenaire de Villes Internet sur le dispositif Sources de Confiance.

Villes Internet : Comment est né le projet Mozilla-Firefox ?

Tristan Nitot : Nous sommes en 1998, année de naissance de Google. À l’époque, le Web était une promesse formidable. Chacun allait pouvoir publier, lire, communiquer. Cette promesse existait, mais un navigateur – outil installé sur l’ordinateur qui ouvre des pages Web – avait le monopole : Internet Explorer, propriété de Microsoft. On sentait que la promesse ne serait pas tenue, car Microsoft n’en avait pas la volonté, n’y voyant pas son intérêt financier. On avait compris : c’est génial ce qu’il y a comme potentiel, mais c’est mal barré.

Il fallait construire un système qui remplisse cette promesse. Si on voulait que le Web continue, nous devions faire autre chose. Nous avons donc créé un navigateur, Firefox. Nous n’avions pas de business modèle, et avons travaillé bénévolement dans un premier temps.

Comment Firefox a-t-il été reçu ?

Le succès a commencé avant même que la première version soit terminée. De nombreux développeurs ont accueilli cette alternative sérieuse avec beaucoup d’enthousiasme, car ils avaient besoin d’un outil qui soit à jour et efficace, ce que n’était plus Internet Explorer. Ils en ont fait la promotion. Firefox a atteint plus de 500 millions d’utilisateurs.

Comment analysez-vous la suite ?

Entre-temps est né Google qui se voulait être un ensemble de services Web. Certes il y avait la fonction recherche dans le Web, mais également la boîte mail. Au début, Google devait délivrer ses produits via Internet Explorer, qui ne fonctionnait pas bien. Ils sont alors passés par Firefox. Puis ils ont fait le choix de développer leur propre navigateur. Ils ont donc créé Chrome. Finalement, la mission initiale de Mozilla était remplie : donner le choix aux utilisateurs. Mais Google a promu Chrome et en fait le numéro 1 du marché.

Le risque était grand de retomber dans un monopole ?

Effectivement. D’autant que tous les navigateurs alternatifs — sauf Firefox — sont des clones de Chrome.

C’est dans ce contexte que naît le projet de Qwant ?

La problématique que cherchait à résoudre Qwant était celle de la souveraineté. Tous les grands pays ont leur propre moteur de recherche, sauf l’Europe. Qwant disait : l’Europe est une puissance, elle doit avoir le sien. Mais c’est très difficile de concurrencer Google. Ils ont beaucoup d’argent et contrôlent l’audience. Google a des accords de promotion. Par exemple, Google paye 8 milliards de dollars à Apple pour être la page de recherche par défaut.

Par ailleurs, avant Google était un moteur de recherche, aujourd’hui c’est un moteur de résultats. Et c’est un problème. Ils ont capté le trafic et le monétisent. Il faut payer pour être en haut. Les vrais résultats de la recherche, ce qui était la promesse de Google, sont loin derrière.

Pourquoi alors se lancer de cette bataille de David contre Goliath ?

Pour la souveraineté. Et certains concurrents à Google sont rentables, même si ça coûte très cher en serveurs et en développement de logiciels.

Comment positionnez-vous Sources de confiance, l’extension développée par Villes Internet, dans ce paysage ?

Sources de confiance est une alternative. Il existe un principe fondamental dans le Web : la possibilité pour l’utilisateur de décider comme s’affichent les pages Web qu’on lui envoie. Ce principe a été intégré par Mozilla en 2003. C’est la possibilité d’ajouter des extensions qui permettent de personnaliser les résultats. C’est ce que fait Sources de confiance.

Comment fonctionne Sources de confiance ?

Sources de confiance répond à deux constats. Premièrement, les moteurs de recherche actuels sont très généralistes. Deuxièmement, il est très compliqué de faire changer les habitudes des utilisateurs lorsqu’ils ont adopté un moteur de recherche.

La question était donc : comment faire pour avoir de meilleurs résultats ?

Si on sait que l’utilisateur est un élu ou un agent, on sait quelque chose de plus que Google. La page est alors personnalisée par Sources de confiance. On va s’appuyer sur l’énorme investissement fait par Google en surchargeant le moteur pour mettre en valeur des résultats issus de Google, mais référencés par Sources de confiance.

À titre d’exemple, c’est comme si vous vous rendez chez votre marchand de journaux habituel pour acheter le même journal tous les jours. À partir de maintenant, il vous vendra votre journal avec les articles qui vous intéressent surlignés en jaune.

C’est une façon d’apporter de la valeur ajoutée à la force de Google. C’est un service très utile.

Le public visé — élu·es et agent·es des collectivités — s’est-il saisi de cet outil ?

Oui, une centaine de territoires ont déjà fait le choix d’installer Sources de confiance sur les ordinateurs de leur commune et ça augmente régulièrement.

Rejoignez-les sur www.sources-de-confiance.fr

Par Anna Mélin