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Les collectivités locales, chevilles ouvrières du déploiement de la fibre

Publié le 29 septembre 2021 Innovation Services publics

“Nous étions prêts à mettre 200 000€ pour le wifi public, nous ne l’avons pas fait et heureusement, car ça aurait été une erreur. En effet, quoi qu’il arrive, la fibre arrivera. Mieux vaut concentrer nos efforts pour accélérer son installation que dépenser des milliers d’euros pour du wifi public.” Amine Karim, adjoint au maire au numérique et innovations technologiques à Trélazé agglomération d’Angers – Maine-et-Loire (49) @@@@@ 2021.

Au commencement, une volonté politique

“Nous avons tout d’abord décidé que tous les habitants et toutes les habitantes du département seraient connecté·es à la fibre.” Emmanuel Allard, vice-président de la communauté d’agglomération de Partenay-Gâtines (79) @@@@@2021 #Territoire d’excellence numérique.

Comme le soulignait Pascal Plantard, sociologue, lors de la table ronde animée par Villes Internet à Ruralitic, “ce sont assez rarement les politiques européennes ou nationales qui compensent [les] inégalités, mais plutôt des décisions des territoires.” 

Emmanuel Allard poursuit : “sur notre territoire, plusieurs zones n’étaient pas conventionnées AMII (appel à manifestation d’intentions d’investissement), il a donc fallu agir. Nous avons créé un syndicat mixte et entrepris une première vague de travaux afin de connecter les bourgs. L’investissement financier a été de l’ordre de plusieurs millions d’euros. Puis nous avons publié un appel d’offres afin de trouver un opérateur capable de poursuivre le travail. Une fois cet opérateur sélectionné, de longues négociations ont eu lieu. Elles portaient sur la surface couverte par l’opérateur, sachant que pour nous, il n’y avait pas de débat, tou·tes les habitant·es devaient disposer de la fibre. Nous avons finalement conclu un accord qui accordait le droit à l’opérateur d’utiliser une partie des infrastructures créées par le syndicat mixte contre le fait qu’il couvre 100% du territoire. En 2025, les travaux devraient être terminés. Nous avons conscience que cela semble loin à nos administré·es, mais pour un chantier de cette ampleur c’est le plus rapide que nous puissions faire.”

La fibre à tout prix, un objectif contestable

“Nous sommes à 1h de Paris et 1h du Havre, ville de 15 000 habitant·es pas très riches. Nous avons investi plus de 5 millions dans la fibre : tous nos services sont fibrés. Les habitant·es ne le sont pas encore. C’est le syndicat Normandie Numérique qui en est chargé.” Ousmane Ndiaye, conseiller municipal de Val-de-Reuil (27) @@@@@2021 en charge des mobilités. 

Les déploiements des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné sont assurés dans le cadre du plan France Très Haut Débit par des investissements privés et publics. Ces investissements massifs dans la construction et l’exploitation des réseaux font intervenir une pluralité d’acteurs qui contribuent au déploiement ainsi qu’à la commercialisation des réseaux. Ces réseaux sont aujourd’hui exploités par plus d’une centaine d’opérateurs d’infrastructure répartis sur l’ensemble du territoire. Dans les zones d’initiatives privées, les opérateurs Orange et SFR prennent en charge sur fonds propres l’installation et l’exploitation des réseaux FttH, et ce sur plus de 3600 communes. C’est-à-dire, les zones les plus denses du territoire, communes inscrites en Zones Très Denses par l’Arcep ou choisies par Orange et SFR en zone AMII (plus de 23 millions de locaux). Dans les zones d’initiatives publiques (16,9 millions de locaux), ce sont parfois des filiales des opérateurs qui sont choisies par les collectivités territoriales afin d’exploiter leurs réseaux en fibre optique, mais il arrive souvent – et de façon plus efficace – que les élu·es s’organisent et créent un syndicat mixte.

Florence Durand-Tornare, déléguée générale de l’association Villes Internet, rappelle que le déploiement de la fibre n’est pas un objectif en soi, qu’il est important d’en définir les priorités. Selon elle, “on peut choisir la technologie qui rapporte le plus aux entreprises du secteur ou choisir celle qui permet un meilleur service public et le moins cher pour les usager·es”. Elle insiste sur la responsabilité d’adapter les installations aux nécessités (bottom up, user centrice, etc.) avec des niveaux de connexion variable selon les besoins à la fois dans les foyers (vie quotidienne et télétravail sont des besoins distincts) mais aussi dans les organisations publiques qui doivent être prioritaires (devant les commerces et les entreprises). Les écoles n’ont pas les mêmes besoins que les mairies ou que les commissariats par exemple. 

Parler de choix c’est aussi parler d’alternative. La fibre n’est pas le seul chemin qui permet la connexion Internet. Le cuivre est déjà présent dans des immeubles,  le satellitaire permet de couvrir un large spectre, notamment en zone rurale. La gestion publique du numérique doit pouvoir permettre la connexion adaptée aux besoins des citoyen·nes au coût le plus bas possible, soumettre le déploiement de la fibre à la loi du marché ne permet pas d’atteindre cet objectif.

Sur ce sujet comme sur de nombreux autres, l’expertise des élu·es de terrain est essentielle, tout comme leur détermination à transformer la vie de leurs administré·es. Le 3e Congrès national des élu·es au numérique du 7 octobre 2021 reviendra sans aucun doute sur cet enjeu démocratique majeur.

 

Dossier spécial : Le raccordement à la fibre, enjeu social, économique et démocratique

Par Anna Mélin