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La dématérialisation continue d’aggraver la fracture numérique

Le 13 octobre 2017, Édouard Philippe lance le programme Action publique 2022, dont la 3eme ambition est d’atteindre l’objectif de 100 % de services publics dématérialisés à horizon 2022.

« Tous les ans, plus de 80 % des réclamations adressées à la Défenseure des droits concernent les difficultés liées aux services publics. Dans les permanences de nos délégués territoriaux arrivent des personnes épuisées, parfois désespérées, qui font part de leur soulagement à pouvoir, enfin, parler à quelqu’un en chair et en os. Car la dématérialisation des services publics — qui comporte des bénéfices incontestables notamment pour celles et ceux qui sont à l’aise avec le numérique et sont dans des situations administratives simples — s’est souvent accompagnée de la fermeture de guichets de proximité et donc de la suppression de tout contact humain. » 

C’est ainsi que la Défenseure des droits introduit le dernier rapport de l’institution « Dématérialisation des services publics, 3 ans après où en est-on ? ».

La Défenseure des droits continue de lancer l’alerte sur les conséquences de la dématérialisation sur l’accès aux droits des publics fragiles

Depuis le dernier rapport « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics » publié le 17 janvier 2019, les institutions ont pris conscience de l’enjeu que représente la dématérialisation pour une grande partie de la population, mais les requêtes ne se tarissent pas, au contraire. Au quotidien, les délégué·es et les juristes de la Défenseure des droits continuent de résoudre des litiges toujours plus nombreux, qui sont la conséquence d’une numérisation inadaptée aux situations des usagers. 

Le rapport insiste de nouveau sur les difficultés spécifiques que rencontrent certains publics. Les majeurs protégés et les personnes détenues n’ont pas vu leur situation s’améliorer. Les personnes étrangères sont encore plus massivement empêchées d’accomplir des démarches qui sont absolument nécessaires à leur vie quotidienne et au respect de leurs droits fondamentaux. Rencontrent aussi des difficultés importantes les personnes âgées — encore souvent éloignées du numérique — les jeunes — moins à l’aise qu’on ne le croit avec l’administration dématérialisée — et les personnes handicapées — qui n’ont toujours pas affaire à des services publics accessibles. Enfin, les démarches numériques apparaissent comme un obstacle parfois insurmontable pour les personnes en situation de précarité sociale, alors même que ce sont celles pour lesquelles l’accès aux droits sociaux et aux services publics revêt un caractère vital.

La dématérialisation telle qu’elle est mise en place, reporte sur les citoyens et citoyennes la charge et le coût des démarches

Les effets de la dématérialisation se font sentir dans l’ensemble des foyers. Qui n’a jamais échoué à remplir un document administratif ou à mener une démarche faute de maîtriser les outils numériques imposés ? La Défenseure des droits pointe le problème structurel de ce grand mouvement de dématérialisation : « la dématérialisation, telle qu’elle a été conduite jusqu’à présent, s’accompagne d’un report systémique sur l’usager de tâches et de coûts qui incombaient auparavant à l’administration. » 

Les conséquences de ce transfert mettent à mal le principe même de l’égalité d’accès aux droits et la cohésion sociale du pays. 

Pas de rejet a priori de la dématérialisation, mais une autre méthode doit être déployée

Comme le rappelle la Défenseure des droits, le développement d’un accès numérique aux démarches administratives constitue un progrès s’il s’accompagne de garanties essentielles pour l’ensemble des usagers, notamment le maintien systématique d’un accès alternatif et la possibilité d’un accompagnement suffisamment proche, compétent et disponible. 

La Défenseure des droits note tout de même que le développement de l’inclusion numérique, l’attention à la qualité des démarches en ligne et la réouverture de lieux d’accueil du public constituent incontestablement des éléments encourageants. Ils ne sauraient cependant tenir lieu de garantie d’accès de toutes et tous à l’ensemble des services publics. 

L’association Villes Internet s’inscrit pleinement dans ces analyses qui rejoignent celles tracées par la 3e motion du Congrès des élu·es au numérique. Elle relève que loin de s’être réduites, les fractures perdurent et se renouvellent. Elles sont multiples : territoriale, générationnelle, sociale, cognitive ou socio-économique. 

 

Par Anna Mélin