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Dark Store ou quick commerce, quand les plateformes numériques bouleversent les règles d’urbanisme

Avec les livraisons — via des applications numériques — en moins de quinze minutes (quick commerce), une nouvelle forme de commerce a émergé en France ces dernières années. En commandant par une application dédiée, les client·es peuvent se faire livrer leurs courses à domicile en quelques minutes. Cette livraison est généralement assurée depuis des dark store ; d’anciens magasins transformés pour l’entreposage, le stockage et la préparation des livraisons, sans accueil du public. 

Le développement de ce nouveau type d’activité au sein des centres-villes des grandes villes, de la coexistence avec les locaux commerciaux, les habitations et les services publics provoque des bouleversements dans l’espace urbain. Certaines épiceries fermées au public deviennent ainsi des lieux de rassemblement de livreurs en attente de leurs commandes jusque tard dans la nuit.

Les élu·es des grandes villes telles que Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Lille, Besançon, Villeurbanne et Montreuil, de même que le président de la métropole du Grand Paris Patrick Ollier et celui de l’Association des maires d’Île-de-France Stéphane Baudet ont réclamé dans un courrier adressé à la Première ministre Elisabeth Born et révélé par l’AFP « que les communes où prospère ce type d’activités disposent des moyens juridiques de les réguler et de lutter efficacement contre toutes les externalités négatives que celles-ci produisent ».

Les élu·es locaux appellent à une clarification juridique

En mars 2022, le gouvernement a publié un guide à destination des élus locaux. Ce document précise le cadre juridique sur lequel les élus peuvent s’appuyer pour réguler ce phénomène et maintenir une diversité commerciale.

​​Puis, les ministres Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme et Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement, ont réuni les associations d’élus, les élus des villes et les métropoles concernées par l’implantation de dark stores et de dark kitchens en septembre 2022. Il s’agissait de trancher la classification des dark stores en matière d’urbanisme. Jusqu’alors, aucun cadre juridique ne permettait de savoir s’ils devaient être considérés comme des entrepôts ou comme des commerces. À l’issue de cette réunion, un consensus a émergé, les darks stores font désormais partie des entrepôts. 

Des moyens légaux sont déjà à la disposition des collectivités

Comme le rappelle le site vie-publique.fr, les élu·es locaux ont d’autres moyens à leur disposition tels que l’identification et la délimitation de quartiers, îlots, voies dans lesquels doit être préservée la diversité commerciale (à travers les commerces de détail et de proximité) ; une définition plus restrictive des infrastructures et des équipements logistiques auxquels sont assimilables les dark stores ou encore des conditions d’implantation plus spécifiques.

Il appartient aux élus locaux de délivrer ou non un permis de construire ou une déclaration préalable lorsque des locaux font l’objet d’un changement de destination (par exemple du statut de commerce à celui d’entrepôt).

Les élu·s locaux disposent enfin, avec leurs pouvoirs de police, des moyens juridiques permettant de réguler les difficultés générées par ces activités. Ils et elles peuvent ainsi faire appel aux outils du droit pénal en cas d’infraction au code de l’urbanisme (amende comprise entre 1 200 et 6 000 euros par mètre carré de surface construite) ou du droit administratif (mise en demeure de régularisation des constructions et travaux réalisés).

Au-delà des règles d’urbanisme, les critiques adressées aux dark stores sont nombreuses

Avec ce nouveau type de commerce, nous faisons face à une grande opacité de mode de fonctionnement (financements, qualité des lieux de stockage, respect des règles sanitaires…). Par ailleurs, en ne s’appuyant que sur des échanges commerciaux via des applications, ces commerces interrogent la vitalité de l’espace public : les personnes qui commandent en ligne ne sortent plus, ne se croisent plus, ne discutent plus, elles ne font plus société. 

Par Anna Mélin