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Pascal Plantard, professeur des universités en sciences de l’éducation, rejoint le jury de Villes Internet

Pascal Plantard, professeur des universités en sciences de l’éducation, anthropologue des usages des technologies numériques fait le choix de rejoindre le jury du Label national Territoires, villes et villages Internet à l’occasion de sa 23e édition. L’auteur de Pour en finir avec la fracture numérique et de Usages des technologies numériques : innovations et imaginaires nous explique l’origine de cette décision.

Vous rejoignez le jury du Label national Territoires, villes et villages Internet cette année, quel est le sens de votre participation à cette aventure collective ?

En tant que chercheur et anthropologue, je suis très sensible à la question des imaginaires, des représentations et donc des rituels qui vont nous accompagner dans nos modes de socialisation, en particulier le numérique.

La pandémie a mis en avant le manque de rituel, nous nous sommes transformés en homo numéricus. L’enquête sur les lycéens nous raconte la détresse de cette génération : pas d’examen du baccalauréat, pas de rituel festif pour passer du lycée et l’université, pas de festival… Si l’on ajoute à cela la désaffection de certains métiers et même de certains territoires, cela me pousse à aller au-delà de mon rôle de chercheur. Le Label national Territoires, villes et villages Internet  tel qu’il est conçu permet de réinstaller du dialogue entre les élu·es et les citoyen·nes. C’est suffisamment important pour que les intellectuel·les y prennent leur part.

Le Congrès national des élu·es au numérique vient d’avoir lieu, quel est selon vous l’enjeu majeur du numérique dans la période ?

Le sujet est vaste, mais je peux relever deux aspects principaux. 

L’enjeu de régulation de l’économie de l’attention et des plateformes tout d’abord. On ne peut plus laisser les GAFAM fonctionner comme actuellement, car ils font exploser les inégalités sur le plan géostratégique. Il y a déjà 10 ans, nous disions déjà qu’il fallait faire attention à ces inégalités, c’est toujours le cas. 

Après 60 ans d’histoire, de l’informatique jusqu’au numérique aujourd’hui, les différentes périodes historiques ont suscité des inquiétudes. La situation la plus inquiétante est ce que j’appelle le dessaisissement parental. À force de raconter que les enfants sont des digital natives, nous les laissons s’enfermer dans des activités numériques qui les isolent. On a conduit les populations les plus fragiles à une vision consumériste des technologies. Il faut absolument lutter contre ça. D’autant que nos travaux pendant le confinement ont montré que certains enseignants ou même des médiateurs numériques ont également cette représentation des jeunes. Nous sommes alors passés d’ un dessaisissement parental à un dessaisissement éducatif. 

Dans ce contexte, les élu·es ont un rôle fondamental pour changer les représentations. 

Le deuxième enjeu est celui du poids que fait subir la dématérialisation administrative sur la médiation numérique. La principe de la médiation numérique est de pousser les gens vers la construction d’un capital culturel numérique qui aille au-delà de savoir remplir sa feuille d’impôt. Il faut comprendre comment protéger ses données, comment communiquer. Il s’agit d’acquérir l’autonomie numérique.

Si vous deviez terminer par une note d’optimisme, quelle serait-elle ?

On a n’a jamais été aussi proche d’une régulation internationale des GAFAM et l’Europe est en train d’avancer sur des questions de taxation, c’est un signal positif.

Deux signaux positifs : il n’y a jamais eu autant d’investissement des parents dans le suivi scolaire que pendant l’école à la maison. Pour les familles ayant des enfants scolarisés dans le 1er degré, les échanges avec les enseignants ont littéralement explosé pendant le confinement avec 65 % d’échanges habituels et 30 % d’échanges ponctuels soit 95 % sur un échantillon représentatif de la population française. Le soutien à la médiation numérique est réel et s’inscrit dans un dialogue coopératif, en négociation entre les différents acteurs. Je plaide pour des conseils numériques territoriaux citoyens qui abordent tous les sujets : la fibre, les équipements, le suivi des familles démunies… Il faut pousser à ce que des instances territoriales (communes, communautés de communes, départements) se saisissent du sujet. Il me semble que la prise de conscience de la responsabilité des élu·es est importante. Nous sommes en train de sortir d’un regard technocentré, cela est très positif. 

Par Anna Mélin