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« Nous ne sommes que de passage », à Strasbourg les Villes Internet regardent vers l’avenir

Publié le 10 juin 2022 Territoire durable

Profiter du numérique tout en protégeant la planète, est-ce vraiment possible ? Villes Internet était à Strasbourg le 2 juin pour participer à la 2e édition de la Semaine européenne du numérique responsable organisée par l’Eurométropole de Strasbourg. Après avoir inauguré le panneau Territoire Internet @@@@2022 avec mention #Transition Écologique, Mathieu Vidal, président de Villes Internet et Caroline Zorn, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg et également vice-présidente de Villes Internet recevaient plusieurs invités pour aborder un des plus grands défis du numérique dans lequel se logent des écueils et des paradoxes.

Il s’agit de prendre le temps de penser les solutions avant que se posent les problèmes. Ne pas essayer de verdir des mesures lorsqu’elles sont en place mais penser des mesures structurellement respectueuses de l’environnement. Quelle est la provenance des éléments numériques ? D’où viennent les matières premières ? Autour de ces questions, des réflexions déterminantes sur l’impact environnemental et social du numérique. 

La lutte contre les vents contraires

Élie Assemat, co-fondateur de Commown

Actuellement, 1,5 milliard de smartphones sont produits chaque année dans le monde. Pour Élie Assemat, co-fondateur de Commown, une société coopérative d’intérêt collectif strabsourgeoise, il y a un paradoxe : « le modèle économique dominant est celui de la vente. Or nous sommes sur un marché saturé. Lorsqu’on vend un appareil neuf, un autre part à la poubelle. Économiquement, il faut inciter en permanence les citoyen·nes à renouveler leurs outils numériques. Il y a donc une divergence complète entre les intérêts économiques de toujours vendre plus et l’intérêt écologique qui est de produire moins de matériels électroniques en les faisant durer le plus longtemps possible. Les trois quarts d’impacts négatifs d’un appareil sont générés lors de sa production. Une fois que l’outil numérique est en circulation, le désastre est en route et ne peut plus être compensé. » 

La réponse à ce paradoxe semble être la voie est la mutualisation pour la sobriété et avoir une vision en cycle de vie des appareils : produire moins d’appareils et les faire durer le plus longtemps possible. Tout se joue en effet sur la quantité d’appareils en circulation. L’usage n’est rien par rapport à l’impact environnemental de la production des outils numériques. 

Caroline Zorn, ajoute que les individus ont des choses à changer dans leurs usages pour diminuer leur impact, mais ce qui changera vraiment la donne ce sera quand les responsables politiques voteront des lois qui imposeront des règles contraignantes aux grandes entreprises du numérique. 

Caroline Zorn, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg et vice-présidente de Villes Internet

Fracture numérique, numérique responsable, les deux faces d’une même médaille

Caroline Zorn conteste le terme de sobriété numérique. « Le numérique responsable va beaucoup plus loin, notamment avec l’inclusion numérique. Inclure quelqu’un implique qu’on l’a exclu dans un premier temps. Pendant des années, les téléservices ont été des machines à broyer des usagers du service public, les plus précaires, les plus éloignés du numérique. » Toujours garder l’humain au cœur des services publics dématérialisés. Et sortir du principe « un problème, une application ». 

Pour Kamran Yekrangi, directeur du collectif d’association de solidarité Humanis, la fracture numérique est en réalité un gouffre numérique pour une partie de la population, comme son association en a pris la mesure pendant le confinement. Assailli par les demandes des familles ne disposant pas des outils pour faire face à l’école à la maison, Humanis a déployé une immense énergie pour répondre à l’enjeu. Le directeur ajoute que « ces machines permettent quand même à des personnes d’avoir accès à des informations, de la culture et du divertissement. Cela contribue à la connaissance. Ce n’est pas tout ou rien. »

Kamran Yekrangi, directeur d’Humanis

Les collectivités locales, vecteurs d’éducation populaire numérique et sources de propositions

Doralie Besnard, chargée de développement transition numérique à la métropole de Rouen explique que dans ce contexte, sa collectivité a souhaité prendre ses distances avec la notion de « Smart City » — qui a le vent en poupe — en intégrant le volet « responsable » dans l’ensemble de ses politiques numériques. Et celle qui est aussi membre du comité exécutif de l’institut du numérique responsable (INR) ajoute que le rôle des collectivités est d’alerter sur la pollution cachée du numérique et d’acculturer les citoyen·nes. « Les pays occidentaux sont très pollueurs à cause de leur usage du numérique, alors qu’une partie de la planète n’est pas connectée à Internet. Il faut agir en conscience : le numérique c’est formidable, mais il faut faire évoluer les comportements. » 

Doralie Besnard, chargée de développement transition numérique à la métropole de Rouen et membre du comité exécutif de l’institut du numérique responsable (INR)

Le rôle des collectivités est en ce sens déterminant. Comme le rappelle Mathieu Vidal, au cœur de cette stratégie, le Congrès national des élu·es au numérique est un événement central dans la construction d’un discours commun et de revendications. « Le numérique responsable est un élément qui remonte régulièrement lors de nos échanges au sein de Villes Internet, nous en sommes les porte-voix. »

Florence Poznanski, déléguée générale adjointe de Villes Internet, complète les discussions en se souvenant qu’Internet a été conçu dans l’idée de partage des connaissances et pas dans un objectif de consommation. « L’objectif est de recentrer les enjeux du numérique dans leur essence première »

Et Mathieu Vidal de conclure : « On ne fait que passer, tout ne peut pas se faire sur un mandat. Il s’agit de penser les choses de manière pérenne. » 


Pour aller plus loin écouter le podcast Ici l’Eurométropole de Strasbourg qui revient sur la semaine européenne du numérique responsable qui s’est déroulée du 30 mai au 4 juin 2022. 

 

Par Anna Mélin