Your browser does not support JavaScript!

Le cycle de vie énergivore des équipements électriques et électroniques 

Publié le 3 septembre 2020 Innovation Territoire durable

Combien de vieux téléphones trainent-ils dans nos tiroirs ? Combien de fois avons-nous changé de postes de télévision, de radio ou d’ordinateurs au court de notre vie ? L’approche écologique du numérique ne se résume pas à la consommation énergétique de son utilisation, même si c’est un élément important. L’empreinte environnementale du numérique est aussi caractérisée par sa consommation en énergie et en matériaux tout au long du cycle de vie des outils utilisés. On parle ici de l’extraction des métaux souvent rares et précieux, de la fabrication des équipements, de leur utilisation et enfin leur fin de vie. Il s’agit dès lors de questionner l’ensemble du cycle de vie des équipements électriques et électroniques.

Les déchets numériques envahissent la planète

Les images d’immenses étendues de plastiques recouvrant les océans nous parviennent de plus en plus. Et cela semble avoir opéré une première évolution culturelle sur cette matière néfaste à tous points de vue. Les montagnes de déchets d’équipements électriques et électroniques sont pour le moment moins visibles, et pourtant. La troisième édition du Global E-Waste Monitor 2020, lancée par le Global E-waste Statistics Partnership (GESP), relève qu’un record morbide de 53,6 millions de tonnes métriques (Mt) de déchets électroniques — des produits mis au rebut avec une batterie ou une prise tels que des ordinateurs et des téléphones portables — aurait été généré dans le monde en 2019, en hausse de 21 % en cinq ans. Le site Internet du GESP propose d’ailleurs un compteur anxiogène du nombre de kilos de déchets électroniques générés durant notre visite sur leur site.

 Le nouveau rapport de l’organisation fondée en 2017 par l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’Université des Nations Unies (UNU) et l’Association internationale des déchets solides (ISWA) prévoit également que les déchets électroniques mondiaux atteindront 74 Mt d’ici 2030, soit près du double du chiffre de 2014, à cause de taux de consommation électrique et électronique (EEE) plus élevés, des cycles de vie plus courts et des options de réparation limitées.

 L’Union européenne s’organise pour faire face à ce défi

C’est la directive européenne du 27 janvier 2003 qui fixe le cadre réglementaire des déchets des équipements électriques et électroniques (DEEE ou D3E). Transcrite en droit français en 2005, date depuis laquelle la filière de collecte et de recyclage des DEEE est opérationnelle, elle a été révisée en 2011 puis en 2012. Désormais, les DEEE collectés par la filière agréée sont traités en France et en Europe avec un haut niveau de protection de l’environnement. La filière française de collecte et de traitement de DEEE permet de gérer plus de 600 000 tonnes par an de DEEE[1]. Le vote de la loi du 10 février 2020 qui entre en vigueur le 1er janvier 2021 vient

compléter les obligations relatives à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Elle contraint les producteurs à l’affichage d’un indice de réparabilité et crée un fonds qui aidera financièrement la réparation de produits électriques et électroniques. Piloté par l’éco-organisme Ecosystème, ce fonds sera financé grâce aux écocontributions des acteurs industriels et commerciaux mettant les produits neufs sur le marché.

Les résultats se font attendre, les conséquences de ce retard risquent d’être désastreuses

 Selon le Global E-waste Statistics Partnership (GESP), en 2019, seuls 17,4 % des déchets électroniques étaient documentés comme étant officiellement collectés et recyclés. Cela signifie que le fer, le cuivre, l’or et d’autres matériaux récupérables de grande valeur évalués de manière prudente à 57 milliards de dollars américains — une somme supérieure au produit intérieur brut de la plupart des pays — ont été pour la plupart jetés ou brûlés plutôt que d’être collectés pour traitement et réutilisation en 2019.

Selon l’Ademe, en France la filière se consolide : au 1er janvier 2019, des éco-organismes agréés assuraient la collecte et le traitement des DEEE ménagers. Par ailleurs, depuis

2006, ils ont fondé l’OCAD3E, organisme coordonnateur agréé en charge de la gestion des relations entre les éco-organismes et les collectivités territoriales et de la collecte des DEEE auprès des ménages.

Malheureusement, cette légère dynamique a été fortement impactée par la pandémie de covid-19. Dans ses réponses au questionnaire covid-19 de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, Ecosystem relève une chute de la collecte de 40 % en mars et de 96 % en avril 2020 par rapport à l’année passée.

Les déchets électroniques constituent un danger pour la santé et l’environnement s’ils ne sont pas manipulés de manière appropriée, car ils contiennent des additifs toxiques ou des substances dangereuses telles que le mercure. Le rapport du GESP souligne que 50 tonnes de mercure se trouvent probablement dans les flux de déchets électroniques non documentés, ce qui nuit à la santé des humains, de la faune et de la flore en cas de rejet. L’enjeu est alors immense pour la société, et pour les collectivités locales a fortiori. Si ces dernières se mettent en mouvement, comme Ivry-sur-Seine (94 – 5@) qui recycle des postes informatiques obsolètes par le biais d’une entreprise spécialisée ou Saint-Maurice (94 – 3@) qui organise une collecte mensuelle spécifique de ces déchets,  l’Etat le fera également.

 Villes Internet porte ce sujet depuis plusieurs années, action symbolisée par la création de l’arobase verte dans le cadre du label national des territoires, villes et villages Internet. Cette nouvelle marque territoriale, remise avec l’Institut Numérique Responsable (INR), permettra aux collectivités d’évaluer leurs actions les conduisant vers une utilisation du numérique responsable et durable.

 

 

[1] Source : Journal de l’environnement : Ecosystem se lance dans la réparation

 

Par Anna Mélin